Le manifeste féraliste

l'Artificialité

L'Artificialité désigne l'ensemble des systèmes qui aliènent l'être humain : la civilisation, la technologie, la domestication, l'industrie, l'économie abstraite et les substituts qui nous séparent d'une expérience authentique de la vie.

Cette trajectoire a débuté à l'aube de l'histoire humaine — bien avant la civilisation, bien avant l'agriculture — au moment où notre espèce s'est déterminée à contrôler les forces naturelles. Ce à quoi nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas le résultat de politiciens corrompus, d'entreprises cupides, d'idéologies défaillantes ou de mauvais choix. Il ne s'agit ni de libéralisme contre socialisme, ni de démocratie contre autoritarisme, ni d'aucun système politique quel qu'il soit. Ces derniers ne sont que les manifestations inéluctables d'un processus plus profond, amorcé aux origines de l'histoire humaine.

La domestication du feu constitua la première divergence. Ce ne fut ni une erreur, ni la faute de nos ancêtres. Le feu conduisit à la cuisson. La cuisson rendit possible l'agriculture. L'agriculture entraîna l'émergence des premiers États et de la civilisation. Chaque artifice appela nécessairement le suivant. Nulle décision individuelle ni volonté collective n'auraient pu infléchir ce cours.

Personne n'est à blâmer. Il ne s'agit pas d'une punition divine pour les péchés de l'humanité. Ce n'est ni Dieu qui nous met à l'épreuve ni la corruption du diable. Ces récits religieux sont de pures inventions—des histoires réconfortantes qui empêchent de saisir la réalité matérielle. Aucune force surnaturelle n'orchestre cela. Aucune leçon spirituelle n'est à en tirer. Aucune justice cosmique n'est à l'œuvre. Croire que la prière, le repentir ou la foi résoudront l'effondrement écologique relève de l'illusion. Les explications religieuses détournent du véritable schéma sous-jacent : une trajectoire biologique déterminée qui rencontre des systèmes artificiels et produit une catastrophe inévitable.

Même ceux qui semblent causer du tort—les politiciens corrompus, les dirigeants cupides, les exploiteurs—ne font que suivre la même programmation biologique déterminée : rechercher la survie, l'avantage, la satisfaction de l'intérêt personnel. Dans les contextes naturels, ces pulsions sont contenues par les liens tribaux et la réciprocité immédiate. Mais les systèmes artificiels ont supprimé ces contraintes naturelles et ont récompensé leurs expressions les plus pathologiques. Au fil de dizaines de milliers d'années, cette sélection artificielle a transformé des traits naturellement équilibrés en extrêmes catastrophiques. Le problème n'est pas la nature humaine en soi. Le problème, c'est que l'Artificialité a créé le contexte dans lequel notre programmation naturelle produit des résultats pathologiques.

Pas de méchants. Pas de cerveaux maléfiques. Pas de dessein divin. La trajectoire était déterminée avant que quiconque ne vienne au monde.

Nos ancêtres ne pouvaient pas savoir où menait cette voie. Mais nous, nous le savons. Nous vivons la phase terminale—et nous sommes la première génération déterminée à la comprendre.